Hégésippe Moreau
1810 — 1838

Adolphe Carcassonne
Les Gouttes d’eau, rimes

Marseille
1869
impr. de Barlatier-Feissat père et fils

Bibliothèque Nationale de France,
département Littérature et art, YE-17197
par l’intermédiaire de Gallica
Les Plaintes d’Hégésippe Moreau
La gloire n’a plus son prestige
A mes yeux trompés, ô ma sœur !
Ma vie à peine sur sa tige
A déjà perdu sa douceur.
L’amertume et la jalousie
Ont pesé sur mon âme, hélas ! pour la flétrir. —
Ma sœur, j’étais si bien aux bords de la Voulzie ;
Pourquoi m’avoir laissé partir?
Je vois encor notre chaumière
Avec sa coquette blancheur ;
Et nos coteaux pleins de lumière ;
Et nos vallons pleins de fraîcheur.
Je sens, mon âme encor saisie
Devant ces champs en fleurs que Dieu semblait vêtir. —
Ma sœur, j’étais si bien aux bords de la Voulzie ;
Pourquoi m’avoir laissé partir ?
Oh ! combien la vie était douce
Lorsque tous les deux nous cueillions
Des violettes dans la mousse
Et des épis dans les sillons.
Voix du passé ! douce ambroisie !
Trop tard, hélas ! trop tard vous venez m’avertir. —
Ma sœur, j’étais si bien aux bords de la Voulzie ;
Pourquoi m’avoir laissé partir ?
Je meurs, et nul qui se souvienne
Que je tombe sur mes genoux ;
Je meurs, et nulle voix qui vienne
Me dire tout bas : Qu’avez-vous ?
Adieu, monde ! adieu, poésie !
Adieu, rêves!… je sens mes yeux s’appesantir. —
Ma sœur, j’étais si bien aux bords de la Voulzie ;
Pourquoi m’avoir laissé partir ?