Claudine De La Mata
Biographie et légende d’Hégésippe Moreau

Poètes mourants

Celui de Millevoye…

(…)

La fleur de ma vie est fanée ;
Il fut rapide, mon destin !
De mon orageuse journée
Le soir toucha presque au matin.

(…)

Brise-toi, lyre tant aimée !
Tu ne survivras point à mon dernier sommeil ;
Et tes hymnes sans renommée
Sous la tombe avec moi dormiront sans réveil.
Je ne paraîtrai pas devant le trône austère
Où la postérité, d’une inflexible voix,
Juge les gloires de la terre,
Comme l’Égypte, aux bords de son lac solitaire,
Jugeait les ombres de ses rois.

(…)

Le poète chantait : quand la lyre fidèle
S’échappa tout à coup de sa débile main ;
Sa lampe mourut, et comme elle
Il s’éteignit le lendemain.

Celui de Lamartine…

La coupe de mes jours s’est brisée encor pleine ;
Ma vie hors de mon sein s’enfuit à chaque haleine ;
Ni baisers ni soupirs ne peuvent l’arrêter ;
Et l’aile de la mort, sur l’airain qui me pleure,
En sons entrecoupés frappe ma dernière heure ;
Faut-il gémir ? faut-il chanter ?…

(…)

Le poète est semblable aux oiseaux de passage
Qui ne bâtissent point leurs nids sur le rivage,
Qui ne se posent point sur les rameaux des bois ;
Nonchalamment bercés sur le courant de l’onde,
Ils passent en chantant loin des bords ; et le monde
Ne connaît rien d’eux, que leur voix.

(…)