Sur la mort d’une cousine de sept ans
Hélas, si j’avais su, lorsque ma voix qui prêche
T’ennuyait de leçons, que, sur toi, rose et fraîche,
Le noir oiseau des morts planait inaperçu
Que la fièvre guettait sa proie, et que la porte
Où tu jouais hier te verrait passer morte…
Hélas ! si j’avais su !…
Je t’aurais fait, enfant, l’existence bien douce ;
Sous chacun de tes pas j’aurais mis de la mousse ;
Tes ris auraient sonné chacun de tes instants ;
Et j’aurais fait tenir dans ta petite vie
Des trésors de bonheur immense… à faire envie
Aux heureux de cent ans !
Loin des bancs où pâlit l’enfance prisonnière,
Nous aurions fait tous deux l’école buissonnière
Dans les bois pleins de chants, de parfum et d’amour ;
J’aurais vidé leurs nids pour emplir ta corbeille ;
Et je t’aurais donné plus de fleurs qu’une abeille
N’en peut voir dans un jour.
Puis, quand le vieux Janvier, les épaules drapées
D’un long manteau de neige, et suivi de poupées,
De magots, de pantins, minuit sonnant, accourt ;
Au milieu des cadeaux qui pleuvent pour étrenne,
Je t’aurais fait asseoir comme une jeune reine
Au milieu de sa cour.
Mais je ne savais pas… et je prêchais encore ;
Sûr de ton avenir, je le pressais d’éclore,
Quand tout à coup, pleurant un pauvre espoir déçu,
De tes petites mains je vis tomber le livre ;
Tu cessas à la fois de m’entendre et de vivre…
Hélas, si j’avais su !


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