RATISBONNE (Louis Fortuné Gustave) littérateur français, […], né à Strasbourg le 29 juillet 1827. Après avoir fait de brillantes études au collège Henri IV, où il obtint le prix de philosophie, il se fit recevoir, à dix-neuf ans, licencié ès lettres. Afin d’obéir aux désirs de son père, M. Ratisbonne se préparait à entrer comme auditeur au conseil d’Etat, lorsque eut lieu le coup d’Etat du 2 décembre. Ne voulant pas servir un gouvernement qui débutait par un odieux attentat, il se tourna vers la carrière des lettres. Familier avec la langue italienne, il entreprit de traduire en vers la Divine comédie du Dante (1852-1859, 6 vol. in-8o). La première partie, l’Enfer, obtint en 1854 un prix Montyon à l’Académie française. Les deux autres reçurent, en 1860, le grand prix de littérature. Dès 1853, M. Louis Ratisbonne fut attaché à la rédaction du Journal des Débats, où il a fait paraître un grand nombre d’articles de littérature, de critique, de polémique et d’histoire, écrits d’une plume fine, élégante et facile. En même temps, il a publié un certain nombre d’ouvrages, soit en prose, soit en vers, dont quelques-uns, composés pour les enfants, ont particulièrement contribué à sa réputation. Le premier en date est la Comédie enfantine (1860, in-8o, illustré), recueil de fables morales couronné par l’Académie française (1861) et qui a très-souvent été réédité. Les nombreux Albums, avec texte en vers, également pour les enfants, qu’il a fait paraître sous le pseudonyme de Trim, n’ont pas eu un succès moins vif. M. Ratisbonne excelle à surprendre dans leur germe les impressions variées et fugitives de l’enfance, les petites passions, les petites émotions, les unes innées, les autres imitées, dont le développement doit former plus tard le caractère. Il les traduit avec autant de sagacité que de légèreté et de délicatesse. L’auteur, dit M. A. Marchand, est un observateur malicieux, pénétrant, amoureux de ces blondes et frêles têtes, si étourdies, si légères, si riantes d’avenir. Il ne craint aucune découverte, il les recherche au contraire ; mais ce n’est point pour morigéner durement les petits coupables et pour maudire la nature et ses mauvaises inspirations ; c’est pour redresser doucement les égarés et les amener au bien en les faisant rire de leurs travers. Moraliste indulgent et spirituel, une philosophie douce, saine, confiante se dégage de ses œuvres. Ce qui domine dans les petites pièces, souvent exquises, de M. Ratisbonne, c’est la note souriante et gaie ; quelquefois, cependant, il peint les petites douleurs et l’on y trouve la note navrante, comme dans la pièce suivante, extraite des Petites femmes.
Ratisbonne a été nommé sous-bibliothécaire du palais du Luxembourg. Après la révolution du 4 septembre 1870, il a fait partie, au Journal des Débats du petit groupe de rédacteurs qui se sont attachés à demander le maintien et l’affermissement des institutions républicaines. Lorsque, au mois d’octobre 1873, un autre groupe de la rédaction, ayant à sa tête M. John Lemoinne, entreprit de faire une campagne en faveur de la fusion monarchique et du comte de Chambord, M. Louis Ratisbonne déclara qu’il cessait de faire partie du journal.
Outre la traduction de l’Enfer, du Purgatoire et du Paradis du Dante et divers morceaux publiés dans le Magasin d’éducation et de récréation, on lui doit : Henri Heine (1855), étude publiée d’abord dans la Revue contemporaine ; Impressions littéraires (1855, in-18) ; Au printemps de la vie (1857, in-32), recueil de poésies pleines de fraîcheur et de grâce ; Hero et Léandre, drame en un acte et en vers, représenté au Théâtre-Français (1859) ; Morts et vivants, nouvelles impressions littéraires (1860, in-12) ; Dernières scènes de la Comédie enfantine (1862, in-8o) ; les Figures jeunes, poésies (1865, in-18) ; Auteurs et livres (1868, in-18) ; les Petits hommes (1868, in-4o) ; les Petites femmes (1871, in-4o), recueil de petites scènes en vers, avec vignettes, comme le précédent, et dont le succès a été très-grand, etc.
Enfin, M. Ratisbonne a publié les œuvres posthumes d’Alfred de Vigny, qui l’avait nommé son exécuteur testamentaire : les Destinées, poëmes philosophiques (1864) ; le Journal d’un poëte (1867).