Larousse, Dictionnaire du xixe siècle

Charles X

Charles Xroi de France, petit-fils de Louis XV, frère puîné de Louis XVI et Louis XVIII, né à Versailles le 9 octobre 1757, mort à Goritz le 6 novembre 1836. Il porta jusqu’à son avènement le titre de comte d’Artois. En 1773, il épousa Marie-Thérèse de Savoie, dont il eut deux fils, les ducs de Berry et d’Angoulème. L’éducation de ce prince fut empreinte des mœurs de la cour où il avait été nourri. Frivole, livré sans retenue à tous les plaisirs, il se rendit célèbre par les aventures scandaleuses de sa jeunesse, qui le mirent d’ailleurs fort en vogue parmi la noblesse de cour, et mérita de piquantes railleries pour son humeur peu belliqueuse et le peu d’étendue de son instruction. À la veille de la Révolution, il fit une opposition bruyante aux réformes réclamées par l’opinion publique, émigra dès que les événements eurent pris un caractère menaçant (juillet 1789), et parcourut l’Europe en fatiguant les souverains de sollicitations et en s’épuisant en efforts pour susciter des ennemis à la France et à la Révolution. Il assista à la conférence de Pilfitz (1791), couvrit de son patronage les rassemblements d’émigrés, reçut de son frère, le comte de Provence, le titre de lieutenant général du royaume et se rendit en Russie pour solliciter les secours de l’impératrice Catherine, qui lui fit le présent, peut-être ironique, d’une épée enrichie de diamants. En 1795, appelé par les Vendéens, il partit d’Angleterre à la tête d’un corps d’émigrés et de troupes anglaises, s’entendit avec Charette et Stofflet, qui durent appuyer son débarquement, mais ne put pas ou ne voulut pas aborder sur la côte de France, resta simple spectateur du désastre de Quiberon et provoqua ainsi cette lettre célèbre de Charette : « Sire, la lâcheté de votre frère a tout perdu » — Le comte d’Artois se borna dès lors à soudoyer avec les revenus princiers que lui fournissait le gouvernement anglais les divers complots royalistes qui furent tramés contre la République et contre Napoléon. Depuis la mort du fils de Louis XVI au Temple, il portait en vertu de la fiction monarchique, le titre de Monsieur, comme son frère portait celui de roi de France. Il séjourna successivement à Londres, à Edimbourg, à Holy-Rood, en Écosse, et à Hartwel, auprès de Louis XVIII. En 1814, il entra en Franche-Comté à la suite des armées étrangères et accourut à Paris dès qu’il eut appris du baron de Vitrolles la tournure favorable que prenaient les événements. Lieutenant général in partibus depuis 1796, il prit possession du gouvernement au nom de son frère, et s’empressa de signer ce traité du 23 avril que Marmont lui-même qualifie de monstrueux, que Louis XVIII blâma amèrement, et qui livrait aux alliés, sans aucune compensation, toutes les places fortes conquises depuis 1792, avec un immense matériel, et réduisait la marine française à 13 vaisseaux de ligne, 21 frégates, 27 corvettes et bricks et divers autres bâtiments. En même temps, il charmait son entourage par quelques mots heureux, entre autres le fameux Il n’y a rien de changé en France, il n’y a qu’un Français de plus, que le comte Beugnot avait ciselé pour la circonstance. Son rôle ne se dessina bien nettement qu’après la seconde Restauration. Pendant que le roi songeait à désarmer l’hostilité des partis par cette politique de transactions habiles et de louvoiement qu’il recommandait encore à son lit de mort, Monsieur se fit le représentant direct de la faction des ultras et l’instrument d’une société religieuse dont le nom seul était odieux à la nation. Il resta d’ailleurs sans importance politique jusqu’à son avénement au trône (16 septembre 1824). Dans un premier mouvement, il suspendit la censure. Mais bientôt la loi contre le sacrilège, celle qui affectait un milliard d’indemnité aux émigrés, présentées par le ministère Villèle et votées par les Chambres après une discussion passionnée, vinrent, en agitant le pays, détruire les illusions qui avaient pu se former. La cérémonie surannée du sacre (29 mai 1825), pour laquelle on retrouva miraculeusement la sainte ampoule, détruite publiquement en 1793, exerça la malignité de l’opposition libérale, qui gagna chaque jour du terrain par suite des tendances ultramontaines du pouvoir, des envahissements de ce qu’on nommait alors le parti prêtre, de la tentative de rétablissement du droit d’aînesse, de la présentation d’une loi destructive de la liberté de la presse, qu’on nomma ironiquement loi d’amour, et qu’on dut retirer, du licenciement de la garde nationale, du rétablissement de la censure, enfin de la dissolution de la Chambre. La victoire de Navarin n’apaisa que faiblement le mouvement formidable d’opinion contre la politique du gouvernement. Quelques troubles sanglants éclatèrent dans Paris au moment des élections, dont le résultat força le ministère à se retirer. Le ministère Martignac, auquel on donna le titre de réparateur, fut une tentative équivoque de conciliation qui ne satisfit guère l’esprit public, et il laissa en se retirant la royauté plus affaiblie et l’opposition plus exigeante et plus irritée. Ce fut alors que Charles X, par une sorte de défi, nomma le ministère Polignac, composé d’hommes profondément impopulaires (1829). Une agitation menaçante se répandit dans tout le pays ; au bruit de coup d’État, le libéralisme répondit par la menace caractéristique d’un coup de collier ; à la Chambre, la fameuse adresse des 221, hostile au cabinet, consomma légalement le divorce entre le gouvernement et la nation. Charles X ne s’arrêta point et ne pouvait plus s’arrêter, et la dissolution de la Chambre suivit de près l’avertissement qu’elle avait donné à un pouvoir qui courait aveuglèment à sa perte. Un fait militaire important, la prise d’Alger, marqua les derniers jours du gouvernement des Bourbons, et peut-être avait-on compté sur l’éclat de cette victoire pour triompher des résistances désespérées du pays. Une dernière épreuve, celle des élections générales, où l’opposition obtint un succès éclatant, au lieu d’éclairer le roi et ses conseillers, précipita la catastrophe. Le 25 juillet 1830 parurent ces fameuses ordonnances, violation manifeste de la charte, et dont les dispositions principales détruisaient la liberté de la presse et modifiaient profondément le système électoral. Une révolution soudaine, irrésistible, éclata dans Paris, et le vieux roi, après s’être replié de Saint-Cloud sur Rambouillet, après avoir inutilement abdiqué avec le dauphin en faveur de duc de Bordeaux, dut reprendre une dernière fois la route de l’exil, expiant moins ses fautes, peut-être, que cette fatalité qui, depuis la Révolution, avait associé les triomphes de sa race aux victoires de l’étranger et aux humiliations de la patrie. Depuis, il habita Goritz, où il mourut du choléra. Ses deux fils, le duc d’Angoulème et le duc de Berry moururent, le dernier en 1820, assassiné par Louvel, le premier en 1844. Le duc de Bordeaux, connu aujourd’hui sous le nom de comte de Chambord, est le dernier prétendant de cette branche épuisée.



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