Larousse, Dictionnaire du xixe siècle

LEBRUN (Pierre-Antoine)

LEBRUN (Pierre-Antoine)poëte français membre de l’Académie française, sénateur sous le second Empire, né à Paris le 29 novembre 1785, mort à Paris en 1873. Il se fit remarquer par une précoce vocation poétique, et, avant d’être un écolier, il ébauchait déjà une tragédie de Coriolan. Ces premiers essais d’une muse si jeune, communiqués à François de Neufchâteau, ministre de l’intérieur sous le Directoire, valurent à Lebrun son admission gratuite au prytanée (Louis-le-Grand), le premier des anciens grands collèges de Paris rouverts à la jeunesse. En 1797, il commença ses études classiques, qu’il poursuivit avec succès, sans cesser toutefois de faire des vers, dont quelques-uns furent même publiés dans un recueil de pièces composées par les élèves. Du prytanée de la rue Saint-Jacques, le jeune poëte passa bientôt à celui qu’on venait de fonder à Saint-Cyr. En 1805, une Ode à la grande armée, qu’il composa à l’occasion de la capitulation d’Ulm, lui valut une faveur inespérée. Napoléon, qui lut cette pièce de vers à Schœnbrunn, dans le Moniteur, ne douta pas qu’elle fût de Lebrun-Pindare, et ordonna de faire à l’auteur une pension de 6,000 livres ; il la réduisit à 1,200 livres quand il eut été détrompé. C’était encore un joli denier pour le saint-cyrien. La première strophe, qui est l’ode à elle seule, fût l’objet des plus vifs éloges :

Suspends ici ton vol. D’où viens tu, Renommée ?
Qu’annoncent tes cent voix à l’Europe alarmée ?
— Guerre ! — Et quels ennemis veulent être vaincus ?
— Allemands, Suédois, Russes lèvent la lance ;
Ils menacent la France !
— Reprends ton vol, déesse, et dis qu’ils ne sont plus.

C’est bien de la poésie genre Empire. Pour conserver aux lettres un jeune talient qui débutait si bien, on fit entrer Pierre Lebrun dans les droits réunis ; il fut nommé receveur principal au Havre. Ses premières œuvres théâtrales furent des imitations de l’antiquité : Pallas, pastorale dramatique (1806) ; Ulysse (Théâtre-Français, 1814), joué peu de temps avant l’entrée de Louis XVIII à Paris ; cette pièce n’eut que quelques représentations. P. Lebrun perdit en même temps sa place et se consacra tout entier aux lettres. En 1817, il remporta un prix académique par une Épître sur le bonheur de l’étude, sujet proposé, pour lequel concourut aussi Victor Hugo, âgé seulement de quinze ans. En 1820, il obtint son plus grand succès avec sa tragédie de Marie-Stuart, et, pour satisfaire un projet longtemps carressé, partit pour la Grèce le lendemain même de la première représentation. À son retour, en 1821 une Ode sur la mort de Napoléon lui valut le retrait de sa pension de 1,200 fr., qui lui avait été conservée jusqu’alors.

Après une excursion en Écosse, où il se lie avec Walter Scott, P. Lebrun publia son Voyage en Grèce (1827), suites de tableaux et de fragments épiques, de réflexions et de paysages, qui est resté son meilleur titre littéraire. Un peu auparavant, il avait fait jouer le Cid d’Andalousie (1825). L’Académie française le reçut, en 1828, au nombre de ses membres, en remplacement de François de Neufchâteau, le protecteur de son enfance. Appelé, en 1831, à la direction de l’Imprimerie royale, il fut nommé maître des requêtes en 1832, conseiller d’État en 1838, pair de France en 1839. Remplacé comme directeur de l’Imprimerie nationale par le gouvernement provisoire, il fut l’objet d’une protestation flatteuse : ses ouvriers vinrent en corps solliciter son maintien. P. Lebrun n’accepta pas et rentra dans la vie privée ; il eut le tort d’en sortir après le 2 décembre et d’accepter une place au sénat. Ses œuvres complètes ont été réunies en 1844 (2 vol. in-8º) ; il faut y joindre son discours de réception à l’Académie française, et un grand nombre d’autres discours prononcés, soit à Académie, soit à la Chambre des pairs.

Comme poëte, P. Lebrun appartient à la vieille école. Dans ses odes, il en est resté aux transports et au beau désordre ; dans ses tragédies, il ne se sert que du matériel usé des vieux maîtres. Ses poésies dites fugitives sont les meilleures ; on y trouve plus de naturel. Son Voyage en Grèce a conservé également quelque valeur littéraire, grâce à ce qu’on y rencontre des pensées intimes et personnelles au poëte.



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