Œuvres complètes d’Hégésippe Moreau
avec introduction et notes par René Vallery-Radot
1890

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Avertissement

Dans une lettre, datée du mois de juillet 1837, à la veille de l’apparition du Myosotis, Hégésippe Moreau écrivait à celle qu’il appelait sa sœur et qui a tenu une si grande place dans sa vie :

Pour composer ce recueil, d’où la politique devait être exclue, j’ai été obligé de prendre une à une mes pièces de vers les moins mauvaises et de les mutiler misérablement, ce qui, je l’avoue, m’a fait mal au cœur … Les poésies sont maintenant en lambeaux.

Le plaisir de se voir imprimé fut peu de chose à côté du regret d’avoir cédé à certains conseils : Ce livre est mal fait, très mal fait, mauvais, très mauvais, répétait-il avec tristesse.

Publier ses vers en les classant par dates, c’était son simple désir : Ils eussent formé ainsi, disait-il, la biographie complète de l’auteur.

Ce qu’il avait souhaité, nous avons essayé de le réaliser. En dehors de la longue introduction que l’on trouvera dans le volume de prose et qui, servant de lien aux documents, aux récits, à des lettres inconnues, permet de reconstituer la vie d’Hégésippe Moreau, nous avons reproduit ici les poésies dans l’ordre où il les eût données lui-même. Peut-être eût-il attaché moins d’importance à la publication intégrale de certains textes primitifs que nous avons recueillis à Provins, ainsi qu’à la mise au jour de quelques pièces inédites. Plus d’une poésie est alourdie par des vers fabriqués avec peine et qu’il aurait volontiers effacés. Après avoir eu l’imprudence de vouloir imiter Barthélemy et d’entreprendre une sorte de Némésis qui s’appelait le Diogène, il dut, avant de renoncer à cette gageure, se laisser aller, faute d’inspiration, à des lieux communs dont quelques-uns sont visiblement plaqués. Mais n’y a-t-il pas dans ces hors-d’œuvre et dans ces vers essouflés de précieux renseignements ? On assiste au travail de Moreau. C’est lui-même que l’on voit, en face d’une tâche souvent inconciliable avec son talent et parfois devant un thème en désaccord avec ses sentiments vrais. Que lui fallait-il ? De l’affection et du pain. Isolé, en proie à la plus profonde misère, qui souffletait chaque jour son orgueil, il devint dans certaines pièces le poète de la haine, lui qu’un peu de bonheur, ainsi qu’il le disait, convertissait bien vite.

R. Vallery-Radot.



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