La vie maudite d’Hégésippe Moreau
Faux pas

En quittant la Brie, Moreau gardait à Camille Guérard et à sa femme une gratitude émue pour de nouveaux bienfaits. Depuis le printemps, ils l’avaient accueilli, hébergé, nourri, soigné, réconforté. Camille n’avait ménagé ni sa peine ni son argent pour lui épargner les risques de la conscription militaire. Ce souci à peine écarté, le généreux couple avait applaudi aux premiers succès du Diogène, et lorsque le rédacteur, chassé de l’imprimerie Lebeau, était revenu lui demandé asile, l’hospitalité de la ferme avait gardé pour lui son charme cordial. Loin de s’affaiblir devant l’hostilité manifeste du préfet et du sous-préfet contre Hégésippe, l’amitié des Guérard s’en était accrue au contraire, et le poète en avait éprouvé la fidélité malgré les suspicions, les enquêtes insidieuses, et finalement, malgré la débâcle d’une expérience avortée. Grâce à eux, Moreau avait pu, en toute liberté, poursuivre sa malheureuse entreprise littéraire. Lorsqu’il avait dû l’interrompre et avouer son incapacité à la mener à bien, ses hôtes n’avaient eu pour lui que des paroles d’encouragement et de consolation. Sophie surtout, à qui son rôle sédentaire dans la ferme129 procurait de longs moments d’entretien avec le poète, s’était montrée pour lui si bonne et si compréhensive qu’il lui avait voué un sentiment comparable, à l’amour près, à celui qu’il nourissait toujours pour Louise Jeunet. Aussi, dans le langage familier qui était maintenant de mise entre eux, Hégésippe appelait-il la fermière son idole numéro deux.

Laissé libre de partir ou de rester encore à la ferme, Moreau devait fixer la date de son retour à Paris. Mais il fut convenu que la sollicitude des Guérard l’y suivrait, et pour commencer, Sophie obtint de son demi-frère Vaché la promesse d’accueillir Hégésippe dans sa chambre parisienne. Il le logerait ainsi jusqu’à ce qu’il eût trouvé à s’employer et à se suffire par se propres moyens. Enfin, le grand enfant que le poète était resté pour eux fut muni de vêtements, d’un pécule en espèces et de bons conseils pour l’avenir. De plus, comme Sophie Guérard connaissait la grande répugnace de Moreau à donner de ses nouvelles, elle imagina un moyen détourné de l’y obligé en chargeant Vaché de lui apporter chaque semaine son linge à blanchir.

Depuis la mort du petit Camille, M. et Mme Guérard avaient eu un fils, qui fut nommé Alexandre ; mais il ne s’étaient jamais consolés de la perte du premier-né, dont le souvenir était lié pour eux à l’image d’Hégésippe enfant et de sa mère. Là était le secret de leur sollicitude pour lui ; c’était le survivant d’une époque heureuse et regrettée. Mieux que Mme Favier, désormais indifférente, ils s’acquittaient de l’obligation morale contractée envers Hégésippe par Emile Guérard mourant. Ce devoir de conscience, ils ne l’oublièrent jamais, mais l’obligé aux allures tour à tour timides ou orgueilleuses ne leur permit pas toujours de l’accomplir.

Moreau et Vaché partagèrent donc le même logis vers la fin de l’automne. C’était au numéro 47 de la rue des Marais, près du Château-d’Eau, dans le quartier de la porte Saint-Martin.130 Vaché, qui s’intitulait commis marchand, était au service de l’entreprise de roulage Guyot, installée dans un quartier voisin, 12, rue ThévenotLa rue des Marais existe encore. La rue Thévenot a été démolie pour le percement de la rue Réaumur, mais tout un alignement d’immeubles en subsiste dans cette voie, le long de la chaussée méridionale qui va de la rue Saint-Denis à la rue des Petits-Carreaux.. Son métier l’obligeait à des absences fréquentes et prolongées ; aussi Moreau se vit-il, à son retour à Paris, réduit au même état d’isolement que l’année précédente. Combien de temps resta-t-il rue des Marais ? Mystère. Mais ce qu’on sait de son esprit versatile porte à croire qu’il n’y fit qu’un court séjour. Toutefois, il continua à voir Vaché, tous les huit jours à peu près.

Il alla d’abord habiter 56, rue du Faubourg-Saint-Denis, dans le cinquième arrondissement, et y vécu jusqu’au printemps de 1834, sur la somme que lui avait remise Camille Guérard. Il essaya de reprendre langue avec les Provinois qu’il connaissait à Paris ; mais on savait ses démêlés avec le sous-préfet, avec Lebeau, avec les souscripteurs déçus du Diogène. Sa réputation s’en ressentait, et il s’ne aperçut à la froideur de l’accueil qu’il reçut partout. Il se consola, dit-il, des grimace champenoises par les carresses parisiennes, en faisant connaissance avec des jeunes gens huppés, dont l’un, issu d’une bonne famille créole, voulut lui rendre service en se chargean de placer ses manuscrits dans les journaux. Cet exotique messager fut comblé de bonnes paroles, qu’il rapporta fidèlement à l’écrivain ; mais quand celui-ci, fatigué d’attendre des convocations qui ne venaient pas, tenta lui-même des démarches, il s’aperçut que tous les salles de rédaction avaient reçu avant lui la visite de deux journalistes lyonnais, nouveaux venus à Paris. Ceux-ci, de jeunes poètes comme lui, s’étaient fait accorder la préférence et l’avaient, en fait, supplanté.131

L’un se nommait Veyrat, l’autre Berthaud. Ils étaient connus pour avoir commencé à Lyon la publication du journal républicain l’Homme rouge, et vouloir tenter de la continuer à Paris.

Jean-Pierre Veyrat, Savoyard d’origine et né comme Moreau en 1810, avait fait ses études au collège des Jésuites de Chambéry, mais l’influence jacobine, toujours active dans son pays depuis l’époque révolutionnaire, l’avait décidé à s’enfuir en France en 1830, à la suite d’une émeute locale. Réfugié d’abord à Belly, il partit pour Lyon en 1833 et y rencontra Berthaud.

L.-A. Berthaud, du même âge que Moreau et Veyrat, était né à Charolles et avait commencé très jeune à faire le métier de vitrier ambulant, tout en complétant de son mieux son instruction. Puis , à l’âge de vingt-deux ans, il était allé à Lyon au moment où l’insurrection des canuts venait d’être écrasée. Epousant la cause des vaincus, il avait publié des pamphlets en vers, d’abord dans la Glaneuse, puis dans une satire périodique fondée par lui et appelée Asmodée. Poursuivi en cours d’assises pour un écrit intitulé Au Roi, il venait d’être acquitté quand eut lieu sa rencontre avec Veyrat.

Veyrat et Berthaud, que rapprochait leur goût commun pour la pésie, fondèrent l’l’Homme rouge, espèce de Némésis socialiste, en vers, dont vingt-deux livraisons parurent à Lyon du 31 mars au 25 août 1833. Mais l’attention du public se détourna de cette feuille, qui cessa de paraître après une série d’attaques violentes contre toutes les cours d’Europe.

A ce moment, Lyon vit arriver dans ses murs Alexandre Dumas partant pour son fameux voyage en Suisse. Les deux associés se présentèrent à lui, et le romancier, altruiste et familier comme toujours, leur conseilla d’aller à Paris en ajoutant :

Pour des hommes de talent, tel que vous, il n’y a que la capitale !132

Veyrat possédait quelques centaines de francs que lui avait remis son père. Il partit pour Paris à la fin de l’été, emmenant avec lui Berthaud. Leur intention était de ressusciter l’l’Homme rouge, et de prendre sous ce nom la place laissée vacante par la défection du traître Barthélemy et de sa Némésis. En somme, l’idée était la même que celle de Moreau fondant à Provins son Diogène juste au même moment. Mais elle ne devait pas mieux se réaliser à Paris qu’en province.

Les Lyonnais, d’abord peu connus dans la capitale, n’avaient chance de percer qu’en attirant sur eux l’attention par quelque coup d’éclat. Mais il fallait d’abord se procurer un éditeur, chose toujours délicate pour des auteurs très jeunes et ignorés. Bien vite, ils se rendirent compte que cela prendrait du temps et ils se résignèrent, pour commencer et attendant mieux, à présenter des manuscrits aux secrétariats des différents journaux. Il s’agissait toujours de pièces de vers, denrée particulièrement abondante sur le marché littéraire de ce temps-là, et si peu recherchée des directeurs que, lorsqu’ils consentaient à l’accepter, c’était presque toujours gratuitement, c’est-à-dire sans verser de rémunération à l’auteur.

Paris, selon la parole d’un contemporain, était hypersaturé de vers, et ne les point payer paraissait naturel, à moins qu’ils ne fussent signés d’un nom célèbre. Cependant, des chances s’offraient parfois, rarement, aux jeunes poètes d’imposer leur nom à l’attention du public, c’était à l’occasion des événements politiques toujours nombreux qui se produisaient en France et à l’étranger. Des signatures étaient sorties de l’obscurité, pour avoir célébré, par le moyen de feuilles volantes, tel ou tel combat de barricades, ou les mérites de tel personnage révéré de la foule. La renommée de chansonniers comme Béranger, ou de poètes comme Auguste Barbier, n’avait pas d’autre origine.133

L’occasion de frapper un grand coup se présenta un jour à Berthaud. Le préfet de police d’alors, M. Gisquet, était l’objet d’une rare exécration dans la presse d’opposition et dans le monde des gagne-petit qui parcouraient la foule en offrant des imprimés à vendre, libelles ou chansons, dont ils criaient les titres. Ces feuilles, d’ailleurs, étant presque toujours injurieuses ou de mauvaise foi, une loi avait été publiée qui exigeait l’autorisation du préfet de police pour tout écrit vendu, distribué et crié sur la voie publique. A tort ou à raison, on reprocha à ce haut fonctionnaire la brutalité avec laquelle les crieurs furent pourchassés par la force armée. Or, après l’arrivée de l’l’Homme rouge à Paris, la garde municipale, accompagnée d’agents en bourgeois, avait rudoyé, place de la Bourse, non seulement les crieurs contrevenant à la loi, mais aussi la foule des curieux, ce qui avait provoqué des protestations unanimes. Du reste, Gisquet prêtait le flanc à la médisance par de bien plus graves imputations de forfaiture et de vénalité, dont il se défendait mollement ou pas du tout.

Quelque temps après ces scènes, en automne, Berthaud déambulait tristement dans Paris couvert de brouillard, lorsqu’en passant sur le quai des Grands-Augustins, la vue des bâtiments de la préfecture de police, dans l’île de la Cité, lui inspira contre Gisquet, ses mouchards, et contre la monarchie de Juillet, une satire furieuse qu’il coucha incontinent sur le papier. Il en tira cinq cents vers qui parurent sous le titre Une voix dans Paris (Gisquétéides) chez l’imprimeur Guillaumin, et qui eurent beaucoup de succès. L’auteur y peignait son invincible nostalgie de provincial égaré dans Paris et l’expliquait ainsi :

C’est que dans cette ville encore féodale,
Etrange m’apparut une triple unité,
Trois pas marchant noués dans la même sandale,
Trois corps sous un manteau, trois noms dans un scandale,
   Gisquet, Vidocq, la Royauté ! 134
Alors je me suis dit : C’est une chose infâme
Que de voir tout un peuple, en sa couche de fer,
Haleter, l’œil en feu, comme aux pieds d’une femme,
Devant trois noms maudits, devant un corps sans âme,
   Et j’écornerai, moi, ce trident de l’enfer !

J’ai dit, et m’élançant au milieu de la lice,
Priant et maudissant comme Guillaume Tell
J’ai choisi pour Gessler le préfet de Police ;
Qu’importe le danger, qu’importe le supplice ?
   Le calvaire touche à l’autel !

Du même coup, Berthaud se faisait enfin connaître à Paris et se posait, avec Veyrat, en successeur de Barthélemy le réprouvé. Les journaux furent sensibles à cette réussite, mais sans aller jusqu’à ouvrir leurs colonnes aux deux amis. Ceux-ci durent se contenter d’éloges, de promesses pour l’avenir, qui, pour être sincères, ne faisaient cependant pas leur affaire. Ils eurent pourtant des détracteurs, à commencer par Moreau revenant de Provins. Hégésippe, à chacune de ses démarches, se voyait opposer l’exemple des Lyonnais, réputés d’un talent bien supérieur au sien. Cette insistance à prôner deux confrères, qu’il reconnaissait en effet ses supérieurs, mais seulement en injures et en barbarismes, énerva tellement notre poète qu’il prit une résolution insolite, déplorable, presque déshonorante, dont il devait bientôt rougir et s’accuser avec amertume.

Gisquet, vexé d’avoir été si vertement pris à partie, voulait sa revanche et faisait rechercher, parmi les hommes de lettres, une plume complaisante et capable de répondre à Berthaud sur le ton de ses Gisquétéides. Moreau l’apprit. Il avait déjà dissipé toute son avance d’argent et, répugnant à faire encore appel à la générosité de Camille, il s’était adressé à M. Gervais qui lui avait prêté deux cents francs. Cette somme dépensée, il se trouvait sans ressources, avait faim, avait froid, et ne savait comment acquitter le loyer de sa chambre du faubourg Saint-Denis. Il alla voir Gisquet et lui proposa de venger son honneur argent comptant. L’autre accepta et promit à son135 visiteur trois cents francs pour son travail. C’est ainsi que le malheureux Hégésippe, racontant cette affaire dans une lettre à Mme Guérard, put se qualifier ironiquement de poète-lauréat de la police.

La riposte à Une voix dans Paris (par Berthaud) s’intitula, en une espèce d’allitération, Une voix en France (par Bertin). Malgré ce pseudonyme choisi par Hégésippe Moreau, elle figure aujourd’hui dans ses œuvres complètes, où elle ne fait pas plus mauvaise figure qu’une autre pièce, quoiqu’elle sente un peu l’effort. On y remarque un passage assez alerte, quand l’auteur revient à ses griefs de puriste contre les Béotiens qui maltraitent la syntaxe :

C’était peu d’insulter les rois dans vos libelles,
Ardents républicains ; vos attaques rebelles
Montent plus haut encore, et blessent dans ses droits
La grammaire, qui sait régenter jusqu’aux rois !

Bref, ce morceau ne cause à l’auteur qu’un tort moral et seulement quand on sait qu’il a été écrit sur commande, et que les sentiments exprimés sont imaginaires. Le souvenir de cet épisode pèse sur la mémoire du poète, c’est incontestable, mais nous avons cru ne pouvoir pas passer sous silence un fait dont il s’est accusé lui-même et dont il a éprouvé de cruels remords. On trouve ces aveux et la trace de ce repentir dans une lettre à Sophie Guérard où Moreau écrivit :

Paris, 1834.

Madame, quand j’ai reçu votre dernière lettre, où vous me faites plusieurs questions sur Vaché, j’avais déjà envoyé l’autre, comme vous avez dû le remarquer en n’y trouvant pas de réponses à vos demandes. Vaché se porte assez bien, il m’a l’air très content, mais, comme il n’est pas très expansif, je puis me tromper dans mes observations.

Je vais vous envoyer un exemplaire de la pièce de vers que j’ai faite pour la police, il serait bon de ne la communiquer à personne, d’ailleurs cela ne vaut rien. L’inspiration a manqué où manquait la conscience. Je crains bien maintenant d’avoir fait une mauvaise action gratuite. Les vers, quels qu’ils soient,136 à moins de porter le nom de Lamartine ou de Victor Hugo, n’ont absolument aucun débit à Paris. Un journal qui les insérerait me ferait plutôt payer l’insertion qu’il ne me la payerait à moi-même. J’ai fait un article en prose pour une revue. S’il est publié, on me payera le second. Je vous enverrai le numéro. Je vais présenter le plan d’un vaudeville à Ancelot et celui d’un drame à A. Dumas, ce sont trois numéros que je prends à la loterie littéraire. Si aucun d’eux ne sort, il est temps de renoncer au jeu et j’y suis décidé ; avant quinze jours je saurai à quoi m’en tenir.

Je vous remercie et je vous embrasse.

H. Moreau.

On aura remarqué le passage où Alexandre Dumas est nommé par Hégésippe comme un collaborateur possible pour la confection d’un drame. Cette idée semble avoir tourné court. Elle paraît indiquer que Moreau et Dumas, dans leurs allées et venues quotidiennes d’hommes de lettres et de théâtre, s’approchaient d’assez près et se connaissaient au moins de vue, contrairement aux dires ultérieurs de l’auteur d’Antony.

Le début de l’année 1834 fut pour Hégésippe une époque de pauvreté, mais aussi de grande activité littéraire. Ses fréquentes visites aux journaux lui firent connaître de nombreux littérateurs et, chose curieuse, il finit par avoir comme confrères, puis comme amis, les gens de l’l’Homme rouge qu’il avait si vigoureusement rabroués au nom de Gisquet.

Ils les avait rencontrés au Charivari, où Berthaud était devenu colaborateur en titre. Hégésippe, toujours à la recherche de travaux rémunérateurs, avait depuis longtemps dépensé les trois cents francs de Gisquet. Son aspect famélique et se plaintes émurent les Lyonnais, de sorte qu’ils décidèrent de l’accueillir dans leur logement de la rue des Beaux-Arts. Cette association de trois poètes, frères jumeaux par l’âge, le talent et la misère, devint vite célèbre dans les quartiers de la rive gauche et les salles de rédaction. On en plaisantait partout, amicalement mais en secret, pour ne point heurter des suscep-137tibilitéssusceptibilités trop légitimes. Veyrat surtout s’éait acquis sans le savoir une réputation de sage et de philanthrope, grâce à une longue redingote de coupe rustique et de couleur sylvestre, importée de sa montagneuse patrie et qu’il endossait en toute innocence pour ses déplacements parisiens. L’esprit de blague aidant, le Savoyard avait fini par être connu sous le nom de comte vert, beaucoup mieux que par son patronyme. Mais à l’arrivée de Moreau, dont l’habit délabré ne lui permettait plus de se présenter nulle part, il fallut aviser et Veyrat, qui était à peu près de sa taille, lui prêta dans les grandes circonstances sa fameuse redingote. Il y eut dont pendant un temps deux comtes verts apparaissant alternativement, chose gênante pour les hâbleurs qui devaient prendre garde de ne point les confondre. Pour plus de simplicité, on restitua aux porteurs de redingote leurs véritables noms, et la bonne action de Veyrat lui valut de recouvrer en quelques jours son identité, tout en perdant, il est vrai, un titre de noblesse. Sic transit gloria mundi.

La triple association fut éphémère et Moreau repritt sa liberté, mais en restant l’ami de ses hôtes. Ceux-ci, poursuivant leur chimère, parvinrent à donner le jour, au mois d’avril 1834, à deux numéros d’un Homme rouge parisien, imprimé chez Dupuy, qui n’eut aucun succès. Ils renoncèrent alors seulement à leur projet pour se consacrer au journalisme régulier.

Quant à Moreau, il était redevenu le bohème presque vagabond de l’année 1832. Brouillé avec ses logeurs successifs du quartier Latin et las d’être toujours congédié après quelques semaines d’habitation, faute de payer son terme, il en était venu, à la belle saison, à renoncer au logement sous un toit. On le voyait parcourir les rues dans la journée. La nuit, il couchait dans la banlieue, à la belle étoile, quand le temps était beau, et, lorsqu’il pleuvait, dans les maisons en construction ou en démolition de Paris. En cette occurence, il lui fallait souvent discuter avec les138 gardiens des immeubles inhabités, soldats invalides fournis par l’institution nationale, et qui trouvaient dans ces emplois le moyen d’améliorer leur prêt. Pris souvent pour un malfaiteur, il se voyait d’abord menacé d’expulsion, mais le poète, faisant appel à son talent de conteur, prenait ces vieux braves par leur faible, leur parlait, les flattait, les mettait sur le chapitre des guerres de leur jeune temps, faisait l’éloge du grand Empereur, et finissait toujours par obtenir le droit de dormir à l’abri pour une nuit.

D’autres lieux de refuge, hantés par la population nomade, étaient les carrières de plâtre en exploitation aux portes mêmes de Paris, à Vaugirard, à Chaillot, à Montmartre, aux Buttes-Chaumont. Ce dernier lieudit était le moins fréquenté, à cause des mauvaises odeurs dont il était infesté. Tout auprès, le long d’une chaussée venant de l’ancien gibet de Montfaucon, était une voirier servant de dépôt d’immondices, de lieu d’équarissage et de champ d’épandage pour la fabrication de la poudrette. On appelait ainsi une substance provenant d’excréments humains desséchés et broyés pour servir à la fumure des terres.

Par un de ces tropes dont notre langue est coutumière, le nom de poudrette avait pris à l’usage un sens plus étendu ; il désignait maintenant, nom seulement le produit, mais aussi l’établissement de production représenté par de vastes bassins de dessiccation échelonnés pour le filtrage exposés à l’air libre, et dans lesquels des entreprises de vidange déversaient sans arrêt les matières fécales recueillies dans Paris. On laisse à penser quelles émanations infectes venaient de ce quartier lorsque le vent s’élevait. Quand il soufflait de l’est, la circonscription du cinquième arrondissement parisien était saturée d’ignobles odeurs au grand dommage des habitants. Cet intolérable état de choses faisait depuis longtemps l’objet de réclamations et les électeurs locaux en avaient fait un article des projets de réforme à soumettre au gouvernement. Or, une campagne électorale139 s’était ouverte précisément au mois d’avril 1834 pour le choix de députés, et M. Thiers, redevenu ministre de l’Intérieur, avait posé sa candidature dans le cinquième, promettant en cas de succès de faire disparaître l’odieuse poudrette et ses dépendancesLe cinquième arrondissement d’alors comprenait l’ancien enclos Saint-Laurent et une partie du dixième arrondissement d’aujourd’hui..

Moreau habitait encore rue du Faubourg-Saint-Denis. Dès qu’il connut cette nouvelle, il en composa une chanson satirique à l’intention des Infernaux. Elle était ainsi conçue :

La Poudrette
Du marché la clause est nette,
Et deux choix nous sont offerts :
Monsieur Thiers ou la Poudrette,
La Poudrette ou Monsieur Thiers.
Plus d’un électeur balance ;
Quant à moi, j’entends la raison :
L’un n’est fatal qu’à la France,
L’autre infecte ma maison.
   Fi donc, pouah !
Va pour Thiers, vive le Rouah !
Certains soufflets au Système
En secret m’ont enchanté,
Car j’aime l’honneur, mais j’aime
Par-dessus tout la santé ;
Et bien que, par caractère,
Je fronde un peu les abus,
J’ai moins peur du ministère
Que du choléra-morbus.
   Fi donc, pouah !
Va pour Thiers, vive le Rouah !
Du marché la clause est nette,
Mais pas d’oubli, Monseigneur,
Sauvez-nous de la Poudrette,
Sauvez-nous, pour votre honneur.
Le vent qui, sur mon visage
Y soufflait un de ces jours,
Me fit baiser une page
De votre dernier discours.
   Fi donc, pouah !
Va pour Thiers, vive le Rouah ! 140

Cette satire, chantée aux Infernaux par l’auteur, sur l’air de Halte-là ! fut accueillie par des applaudissements unanimes. Mais Moreau se libéra de la poudrette en quittant son quartier. Les beaux jours revenus, il choisit de nouveau pour refuge le bois de Boulogne, qui n’était pas encore transformé en promenade et paraissait comme le résidu d’une vaste forêt préhistorique, sauvage, inculte, propice aux déshérités, aux proscrits, aux irréguliers de toute nature, et lieu d’élection pour les duellistes. Le bohème y dormit sous le ciel étoilé, au risque, parfois réalisé, de se réveiller sous une averse.

La première fois qu’il était venu là, ce n’était pas dans l’intention d’y coucher ni d’y faire des rêveries poétiques. Il portait dans sa poche l’objet d’une récente emplette, un vieux pistolet acheté trois francs sur le quai de la Ferraille et destiné par lui à se faire sauter la cervelle. Ce suicide, toutefois, ne devait pas lui paraître d’une extrême urgence, puisqu’il se laissa distraire, avant d’arriver à la porte Maillot, par l’écriteau d’un cabinet de lecture de l’avenue de Neuilly. Il entra pour lire la traduction nouvelle d’un roman posthume de Walter Scott, mais cette lecture l’ennuya. Il sortit, donna tout le billon qui lui restait à un mendiant, entra dans le bois, pénétra au plus profond d’un fourré et arma son pistolet qui d’avance était chargé et amorcé.

Cette scène fut contée, avec un grand luxe de détails, par Moreau à son ami Vallery-Radot rencontré par hasard. Arrivé au moment de son récit où il se décrivait debout, l’arme à la main :

Avant de l’approcher de mon front, continua le narrateur, et ceci vous paraîtra plus bizarre encore que ma fantaisie de suicide, je jetai un coup d’œil sur ma toilette, je m’inquiétai de la blancheur de ma chemise et, s’il faut tout vous dire, j’avais pris un bain le matin, tant je tenais à ce que mes restes ne fussent un objet de dégoût pour personne. Explique qui pourra comment, à une heure si solennelle, je m’occupai d’un pareil141 examen, au lieu de songer à celui de ma conscience. Vous me direz, comme la chanson, que

C’est la faute à Voltaire…

Voltaire, cependant, ne m’a pas empêché, au moment où je sentis sur ma peau le froid du canon, d’éprouver une peur affreuse. Ce n’est pas la mort qui m’épouvanta, c’est l’enfer. Oui, l’enfer… on en rit à distance, mais de près, on change de note : du moins cela m’est arrive. Voyez pourtant l’orgueil humain. Je ne voulus point reculer. Il est vrai que ce ne fut pas avec le sang-froid d’un héros que je pressai du doigt la détente de mon pistolet. Il fit long feu. Je vous demande pardon de vous avoir tenu si longtemps en suspens. Votre inquiétude, du reste, n’a pu être bien vive : c’est moi-même qui vous raconte mon suicide. Mais avisez la merveilleuse promptitude de l’âme. Vous savez le peu de temps qu’il faut pour faire partir une arme à feu : un temps si court qu’il est à peine mesurable. Eh bien ! le croiriez-vous ? Dans ce demi-quart de seconde, un monde de sentiments et de pensées m’apparut. J’embrassai dans une vision, dans un éclair, toute ma vie, mes rêves, mes amours, mes chagrins, mes fautes, la dernière surtout, la plus grave, que je commettais en ce moment même… Je sentis un remords atroce, et j’entrevis l’éternité. Je ne recommencerai pas, allez ! Je jetai l’arme loin de moi, je me précipitai à genoux et je levai au ciel mes mains jointes en m’écriant : Mon Dieu, ô mon Dieu, je vous remercie !Vallery-Radot. Souvenirs d’un ami d’Hégésippe Moreau.

A cette période de misère noire se rapporte un autre épisode de l’existence du poète à Paris. Au printemps de cette même année, qui fut très froid, Hégésippe avait été recueilli par un compagnon typographe possédant mansarde et couchette, qui lui avait offert la moitié de l’une et de l’autre. Après se journées passées en courses142 incessantes sous la pluie et la bise glacées, Moreau revenait régulièrement frapper à la porte de l’ouvrier, qu’il trouvait généralement couché, et il s’étendait avec délices sur le matelas de l’amitié. Mais, un soir, au lieu de s’ouvrir toute grande, la porte ne fit que s’entrebâiller, laissant apparaître le visage embarrassé du typographe : il était ce soir-là, en galante compagnie, et l’importun se retira. Très las, et n’en pouvant bientôt plus de fatigue, il parvint devant l’église de la Sorbonne et se laissa choir sur la première marche. Replié frileusement sur lui-même afin d’offrir moins de prise au vent, il essaya de s’endormir, mais ne pouvant y parvenir, il se mit en devoir de composer des couplets de vaudeville qu’un auteur lui avait demandés en qualité de quatrième collaborateur.

Les mâchoires claquant de froid, l’estomac criant la faim, le rimeur cessa bientôt de fredonner. Il tombait dans une torpeur somnolente, lorsqu’il sentit qu’on lui secouait le bras pendant qu’une voix rude demandait :

Qu’est-ce que vous faites-là ?

Hégésippe ouvrit les yeux. Une dizaine de soldats en armes, conduits par un sergent, l’entouraient, immobiles. A leurs pantalons garance, il reconnut une patrouille d’infanterie.

Suivez-moi, reprit le sous-officier. Vous vous expliquerez devant le commissaire.

Il fut conduit au Dépôt de la préfecture de Police, dans l’île de la Cité, où il passa vingt-huit heures, jusqu’à ce qu’un fonctionnaire compatissant, à qui il avait révélé sa qualité d’homme de lettres, l’eût relâché en lui disant de revenir le voir, qu’il pourrait peut-être le tirer de sa grande gêne.

Moreau n’en fit rien cependant. Un trait de son caractère était de voir, dans chaque personne dont il recevait un bienfait, ou tout simplement dans celles qui pouvaient lui être utiles, des protecteurs, c’est-à-dire quelqu’un devant qui sa reconnaissance lutterait un jour contre son orgueil143 blessé. Ce qu’on faisait pour le soulager, c’était, pensait-il, le charger d’un devoir de gratitude, et la gratitude lui semblait un insupportable fardeau. Maintes fois, s’il avait voulu simplement ne pas entraver des intentions favorables, il eût été tiré de l’abîme de misère et de honte dont il se plaignait à Louise, mais au contraite il prit à cœur de les contrarier, et c’est ainsi qu’il lassa la patience de ceux qui, résolus d’avance à tout lui passer en raison de son talent, le recherchaient pour le secourir. Il disparaissait de ses domiciles successifs sans laisser d’adresse, brouillait les pistes et s’arrangeait si bien pour n’être point retrouvé, que les meilleures volontés l’abandonnaient à son sort.

L’un des plus obstinés protecteurs de Moreau fut à coup sûr Vallery-Radot, l’ancien élève de la pension Labbé. Celui-là en se laissa rebuter par aucune défaite, aucune rebuffade, aucune maladresse de son cher poète. Après une de ses disparitions, il l’avait rencontré par hasard dans la rue et le bohème l’avait fait monter chez lui, place Cambrai, dans une chambre garnie de l’hôtel du Cavaldos. Au récit que lui fit Moreau de ses dernières souffrances, il avait décidé de rechercher une occupation capable de lui assurer le nécessaire, tout en restant compatible avec ses goûts.

Peu après cette conversation, Vallery crut avoir trouvé pour Hégésippe une place intéressante en apprenant qu’un littérateur connu, M. Mennechet, recherchait un secrétaire. C’était l’ancien lecteur des rois Louis XVIII et Charles X, qui depuis la révolution de Juillet vivait retiré dans un appartement de la rue Duphot, où il se livrait à des travaux d’art dramatique et d’histoire. L’année précédente, il avait fondé le Panorama littéraire de l’Europe, recueil d’articles extraits de publications périodiques de tous les pays. En outre, il venait de fonder le Plutarque français, rédigé sous sa direction par toutes les célébrités littéraires de notre époque. Avec un144 drame lyrique qu’il achevait, c’était beaucoup de besogne pour un seul homme, d’où sa décision de prendre à son service un collaborateur appointé.

Vallery-Radot ne connaissait pas M. Mennechet, mais il pouvait l’atteindre par une personne influente, qui malheureusement était alors absente de Paris. Il fallait pourtant agir sans retard de ne pas s’exposer à ce que la place fût prise avant son retour. Vallery-Radot alla chez Moreau, lui demanda s’il consentirait à être secrétaire d’un auteur légétimiste. Moreau ne faisant aucune objection, et paraissant au contraire ravi de la proposition, il lui conseilla de se présenter tout de suite pour prendre rang.

Prévenez M. Mennechet, lui dit-il, que vous savez qu’il cherche un secrétaire, que vous seriez charmé d’en remplir l’emploi auprès de lui : hâtez-vous d’ajouter que si vous venez sans introducteur, c’est que la personne qui aurait pu vous présenter à lui est absente, et nommez-la, je vous assure que vous ne serez point désavoué ; promettez-lui enfin, dans le cas où son choix serait encore libre, de lui fournir, avant huit jours, les plus favorables témoignages.

Partons ! s’écria Moreau avec enthousiasme. Mais à la réflexion :

Je ne puis pas, ajouta-t-il, me montrer dans un semblable équipage. Je vais solliciter l’emploi de secrétaire intime et je suis fait comme un voleur. Ne trouvez-vous pas que ce chapeau et cette redingote me donnent une vague ressemblance avec Serre dans le rôle de Bertrand ?

Qu’à cela ne tienne, répondit Vallery, passons chez moi. Nous sommes à peu près de la même taille, vous trouverez dans ma garde-robe de quoi vous composer un costume moins pittoresque.

Sur ce, Hégésippe suivit son ami dans son logis où il se rhabilla entièrement. Il s’admira devant une glace, heureux de se voir les mains gantées.

Comme des gants vous refont un homme ! s’écria-t-il tout à coup.145

Son ami le conduisit chez M. Mennechet, insistant tout le long du chemin sur ce qu’il convenait de dire, et plus encore sur les écueils qu’il fallait éviter en s’abstenant de toute singularité de manières et de langage. Enfin, on s’arrêta devant le numéro 17 de la rue Duphot, Moreau s’engagea dans l’escalier, et Vallery l’attendit en bas. Au bout d’un quart d’heure, Hégésippe reparut.

Eh bien ?

Eh bien ! mon cher Vallery, cela s’est passé on ne peut mieux. M. Mennechet m’a parfaitement reçu : il a paru d’abord un peu surpris que je vinsse de but en blanc m’offrir à lui comme secrétaire ; je lui ai nommé aussitôt la personne dont vous m’avez autorisé à invoquer le témoignage. Alors, il a été plus prévenant : la conversation s’est engagée entre nous, et elle a duré jusqu’à présent.

Cette conversation, à en juger par ce que raconta Moreau, n’avait été de sa part qu’une suite d’impairs de toutes sortes. M. Mennechet, par exemple, lui ayant demandé de quels travaux il pouvait se charger :

De tous, avait-il répondu, depuis un poème épique jusqu’au balayage de votre cabinet inclusivement.

L’écrivain avait réservé sa réponse, et il était à prévoir qu’elle serait négative. L’affaire été manquée en effet. Le surlendemain, Vallery-Radot apprit que le directeur du Plutarque français avait pris Moreau pour un aliéné.

Le premier semestre de 1834 s’écoula tout entier, pour Hégésippe, dans l’attente toujours déçue d’une amélioration de sa vie. Il travailla pourtant à de nouvelles chansons. La politique ne semblait plus guère l’intéresser, puisqu’il resta muet à l’égard des troubles d’avril 1834 qui donnèrent lieu à la sanglante affaire de la rue Transnonain. Seule, la mort de La Fayette, survenue à Paris le 19 mai, lui inspira une œuvre, médiocre du reste et aujourd’hui perdue, dont il parla lui-même146 dédaigneusement. Mais rien de tout cela ne rapportait d’argent, et la nécessité revenait par trop souvent de faire appel aux bontés des Guérard. Enfin, à toute extrémité de ressources, Hégésippe entra au sevice d’une revue littéraire de nouvelle fondation, aux appointements de cent francs par mois. Sa détresse était telle qu’une quinzaine de jours après son entrée en fonctions, il se vit contraint, pour subsister, de chercher de nouveaux prêteurs. Le souvenir du généreux député de Provins étant encore tout frais, il adressa à M. Gervais un second appel par la lettre suivante :

Paris, 16 juillet 1834,

Monsieur, le souvenir de vos offres m’enhardit à m’adresser encore à vous. C’est la seconde et dernière fois. J’ajoute ces mots, non que je craigne de vous lasser déjà, mais parce que j’espère que vous apprendrez avec plaisir qu’une heureuse révolution s’est opérée dans mon sort. Je viens de trouver enfin ce que j’ai toujours cherché : un emploi qui me donne du pain en échange de la moitié de mon temps. Je suis chargé de la compilation quotidienne des journaux pour une revue nouvelle. Douze cents francs par an, c’est le Pactole ! J’ai commencé au 1er juillet, et quinze jours seulement me séparent de la fin du mois ; mais si j’ai bonne mémoire, il y a dans la vie des quinzaines dont la longueur donne un démenti au calendrier. Je pensais à cela tout à l’heure au bureau, et j’avais grande envie de dire à M. le Directeur : Si vous m’avanciez la moitié, ou seulement le quart du mois courant, vous m’obligeriez beaucoup. Mais je me souvins à temps que la pauvreté est une maladie honteuse dont il ne faut parler à personne… qu’à son médecin, et je vous écrivis.

J’ai l’honneur d’être, avec respect et reconnaissance, monsieur, votre très humble et très dévoué serviteur.

H. Moreau.

Hélas ! l’espoir exprimé par ces lignes confiantes n’était qu’un feu de paille. Quand arriva la réponse du notaire provinois, Moreau était déjà remercié de ses services à la revue nouvelle.147

Quoique très pauvre, Hégésippe trouvait à subsister grâce au concours d’innombrables amis, Provinois émigrés à Paris, étudiants du quartier Latin, ex-camarade de collège ou de séminaire, anciens compagnons d’atelier, bohèmes de toute sorte, dont il partageait fraternellement, à l’occasion, les retours de fortune. Nous avons nommé l’académicien Lebrun, le docteur Gerdy, le professeur Loison, le commis Vaché, les étudiants Vallery-Radot et Sainte-Marie-Marcotte, Veyrat et Berthaud de l’l’Homme rouge, d’autres encore, sans compter les Guérard et Louise Jeunet, dont l’infatigable cordialité résistait à toutes les déceptions. A cette liste déjà longue, s’ajoutèrent de nombreux autres noms, lorsque le poète, après bien des misères, crut enfin prendre rang parmi les rédacteurs attitrés de ce qu’on appelait la petite presse de Paris.148



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