Claudine De La Mata
Biographie et légende d’Hégésippe Moreau

Introduction

De nombreux panégyristes pour une nouvelle légende… Une légende bien digne de celle de Gilbert et Malfilâtre…

Hégésippe Moreau, contrairement à ses malheureux devanciers, ne croisa pas le fer — ou la plume — avec la cohorte encyclopédique… ne serait-ce que parce que sa triste vie commence et s’achève, bien vite, au dix-neuvième siècle et non plus au dix-huitième.

Excepté le Dictionnaire des auteurs de Laffont et Bompiani on parle peu de lui dans les dictionnaires et, si Didot connaît son existence (et pour cause !), Michaud, dans sa Biographie, n’en fait même pas mention.

Il fut toutefois une proie de choix pour un certain nombre de biographes et de commentateurs dont certains n’hésitèrent pas à endosser la défroque du panégyriste. Parmi tous ceux qui s’intéressèrent à ce nouveau poète maudit certains, évidemment, portent un nom célèbre : Dumas (père) qui en dit grand bien dans une notice au titre fabuleux Les Morts vont vite ; Beaudelaire, qui en dit grand mal dans Quelques-uns de mes contemporains et qui joue auprès de Moreau le rôle que joua la Harpe à l’égard de Gilbert. Tout aussi célèbre est Sainte-Beuve qui est assez favorable au Moreau-poète… mais qui ne veut pas admettre qu’il fut aussi engagé politiquement, ce qui lui vaut une sévère querelle avec Léon Laurent-Pichat pour qui l’engagement politique de ce poète est indéniable, sinon primordial. Cette querelle s’exprime dans les Causeries du lundi en ce qui concerne Sainte-Beuve et dans les poètes de combat — encore un bien beau titre ! — en ce qui concerne Laurent-Pichat. Ces divergences d’opinion n’empêcheront pas Sainte-Beuve de préfacer une nouvelle édition des Œuvres de Moreau, bien après la mort de ce dernier.

Bien beaux titres encore que ceux des ouvrages de messieurs Lardanchet et Georges Benoit-Guyod qui prennent fait et cause pour Hégésippe Moreau. Le premier cite Moreau, entre autres, dans un ouvrage judicieusement intitulé les Enfants perdus du Romantisme ; le second sanctifie le même Moreau dans un ouvrage consacré à son culte exclusif : la Vie maudite d’Hégésippe Moreau, ouvrage dans lequel il est d’ailleurs aussi question de Gilbert.

Bien sûr, Moreau figure aussi parmi les Poètes-misère d’Alphonse Séché, toujours en compagnie de Gilbert et de Malfilâtre.

En fait, seul Colnet du Ravel ne cite pas Moreau, il est vrai que c’était un peu tôt puisque l’édition Delaunay date de 1813… alors que le poète est né en 1810. Pourtant, en 1856, la maison Passard a eu l’idée très astucieuse de regrouper en un seul et même ouvrage les Œuvres complètes d’Hégésippe Moreau, les Œuvres choisies de Gilbert et… la fameuse Biographie des auteurs morts de faim de Charles Colnet !

Parmi les iconographes se trouve encore Armand Lebailly qui cite aussi Malfilâtre et Gilbert, surtout ce dernier car, si Moreau fut un révolutionnaire et si Gilbert fut un conservateur toutes les comparaisons sont permises dans la mesure où l’un et l’autre, qui appartiennent avant tout à la grande confrérie des poètes maudits, durent faire face à des ennemis qui, d’une certaine manière, se ressemblent. C’est du moins la théorie mise en œuvre par Armand Lebailly dans ses Notes qui accompagnent les œuvres plus ou moins inédites d’Hégésippe Moreau.

Il reste enfin deux personnages qui connurent personnellement l’auteur et qui peuvent se targuer d’avoir été ses amis : Vallery-Radot et Sainte-Marie Marcotte. Le premier a publié des Souvenirs d’un ami de Moreau qui se trouve dans un ouvrage qui comprend aussi les Œuvres complètes de Moreau ainsi que, une fois de plus, les Œuvres choisies de Gilbert. Pour ne pas être en reste Sainte-Marie Marcotte préfaça aussi le Myosotis, le seul recueil de poèmes qui fut publié par Moreau.

Le Myosotis : ne m’oubliez pas…