Le dernier jour
J’ai dit souvent : Dieu confonde
Ce monde et tout avec lui !
Mais, quand de ce pauvre monde
Le jour suprême aura lui,
Changeant de ton dès l’aurore,
Je dirai, j’en fais l’aveu :
Pauvre globe, tourne encore,
Tourne, tourne encore un peu.
À cette heure épouvantable,
Tous vos hôtels trembleront,
Riches ; et de votre table
Bien des miettes tomberont.
Affamés, qu’on se restaure !
Dirai-je, et trinquons, morbleu !
Pauvre globe, etc.
L’effroi que ce jour fait naître
(Et pour ma part j’en ris bien)
Empêche de reconnaître
Son lit, sa femme et son bien.
Plus de bourgeois matamore,
Plus d’huissiers ! le Code au feu !
Pauvre globe, etc.
Le vieux soleil file, file,
Et s’éteint dans le brouillard :
Allons, truands, par la ville
Jouer à colin-maillard.
Tremblez, Rose, Hortense, Laure :
J’ai la main heureuse au jeu.
Pauvre globe, etc.
Et vite, chez la reinette
Dont un soir je fus épris,
Allons de ma chansonnette
Réclamer gaîment le prix.
Aux appas qu’en vers j’adore
Allons dire en prose adieu.
Pauvre globe, etc.
Puis à mon hôte Grégoire
Répétons, le verre en main :
N’ayez souci du mémoire,
J’attends mon père demain.
Car qui m’a fait ? Je l’ignore,
Mon Credo dit que c’est Dieu.
Pauvre globe, etc.
Je fredonnais de la sorte,
Dormant, rêvant à demi,
Quand tout à coup à ma porte
Retentit un pas ami.
Avril en fleur vient d’éclore,
Mes vitres ont un ciel bleu :
Pauvre globe, tourne encore,
Tourne, tourne encore un peu.

L’édition de 1838 donne, sous le titre, la précision suivante : « Air : » ce qui nous permet de penser qu’il s’agit d’une chanson mais nous laisse encore sur notre faim.

Octave Vignon, dans le tome II de son Hégésippe Moreau donne comme probable l’air La petite Cendrillon, no 51 des Airs des Chansons de Béranger. [TdS]



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