Les cloches
Par ma fenêtre s’est enfuie
L’illusion, et pour jamais !
Doux rêves, adieu : je m’ennuie
Au son des cloches que j’aimais.
D’interpréter leur babillage,
Poëte, à seize ans j’eus le don.
Pour fêter le saint du village,
Les cloches disaient : Allons donc !
Arrivez donc !
Arrivez donc !
Arrivez donc !
Mais je suis peu dévôt, et même
Il me souvient d’avoir osé
Faire un gai repas en carême,
Repas d’ami bien arrosé.
Hommes de Dieu, point de reproches :
Il excuse un jour d’abandon :
Puis… c’était la faute des cloches
Qui nous répétaient : Allons donc !
Grisez-vous donc !
Grisez-vous donc !
Grisez-vous donc !
Quand je donnai mon cœur à celle
Qui n’en veut plus, et l’a toujours,
Le tocsin même et la crécelle
Parlaient aux vents de nos amours.
À l’ombre des bois, sur la mousse,
Rêvant mieux que sur l’édredon,
Nous entendions, de leur voix douce,
Les cloches nous dire : Allons donc !
Aimez-vous donc !
Aimez-vous donc !
Aimez-vous donc !
Puis, j’arrivai, jeune et plein d’âme,
Dans la grand’ville en pélerin :
Le Te Deum de Notre-Dame
Alors berçait un souverain :
Mais à fêter sa bienvenue,
Quand on fatiguait le bourdon,
J’espérais, moi : car dans la nue
L’airain grommelait : Allons donc !
Armez-vous donc !
Armez-vous donc !
Armez-vous donc !
Pour moi tes cloches, pauvre France,
N’ont plus un langage aussi clair :
D’amour, de gloire et d’espérance,
Pour moi, rien ne parle dans l’air.
Je n’entends, comme tout le monde,
Qu’un éternel drelin dindon.
Que la république vous fonde !
Cloches bavardes, allons donc !
Taisez-vous donc !
Taisez-vous donc !
Taisez-vous donc !