La Poudrette
Air : Halte-là ! etc.
Chaque jour on nous répète
Que deux choix nous sont offerts ;
Monsieur Thiers ou la poudrette,
La poudrette ou monsieur Thiers.
Un instant mon cœur balance,
Mais enfin j’entends raison :
L’un n’empeste que la France,
L’autre infecte ma maison.
Fi donc, pouah !
Va pour Thiers, vive le Roi !
Je ris tout bas du système.
J’aime assez la liberté,
J’aime la France, mais j’aime
Par-dessus tout ma santé ;
Et, bien que, par caractère,
Je fronde un peu les abus,
J’ai moins peur du ministère
Que du choléra-morbus.
Fi donc, pouah !
Va pour Thiers, vive le Roi !
Nos Aristarque à sa perte
Poussent la France, et je sais
Qu’à la tribune, Salverte
Pense et parle en bon Français.
Sa parole m’est connue,
Mais il faut bien qu’avant peu,
Bon gré, mal gré, j’éternue
Mon vote au juste-milieu.
Fi donc, pouah !
Va pour Thiers, vive le Roi !
Votre parole est suspecte ;
La tiendrez-vous, Monseigneur ?
Ah ! d’une voisine infecte
Sauvez-nous, pour votre honneur.
Le vent qui sur mon visage
Y soufflait un de ces jours,
Me fit baiser une page
De votre dernier discours.
Fi donc, pouah !
Va pour Thiers, vive le Roi !
La Poudrette avait été composée par Moreau à
l’époque où M. Thiers se présentait à la députation du cinquième
arrondissement. Des mauvaises odeurs arrivaient sur Paris, lorsque soufflait
certain vent. Les électeurs du cinquième arrondissement demandaient que
l’on déplaçât le dépôt d’immondices, situé alors à
Montfaucon. [R. Vallery-Radot]