Réponse à une invitation
Sur l’adresse de cette lettre,
Quelle erreur fit tomber mon nom ?
Est-ce bien moi qu’on daigne admettre
Aux plaisirs brillants d’un salon ?
Où la mode commande en reine,
Hélas ! on m’accueillerait mal.
Je suis moins heureux que Sedaine…
Non, non, je n’irai pas au bal.
Là, sous les lois de l’étiquette,
Il faut plier à tout moment ;
Chaque pas est une courbette,
Et chaque phrase un compliment.
Moi, j’ose, dans mes épigrammes,
Contester en vrai libéral,
L’empire absolu même aux femmes.
Non, non, je n’irai pas au bal.
Aurai-je assez de patience
Pour souffrir, sans les bafouer,
Ces beaux esprits dont la science
Se borne à l’art de saluer ?
Contre les clercs qui font merveilles,
Un bon mot peut m’être fatal ;
Tous ces messieurs ont des oreilles :
Non, non, je n’irai pas au bal.
Lorsque les fléaux de la vie
Sur mes pas pleuvaient tour à tour,
Dans les bras de la poésie
J’échappais du moins à l’amour :
Mais tremblons ! partout on répète
Que, sous le voile nuptial,
Une Grâce ornera la fête :
Non, non, je n’irai pas au bal.

Il s’agit d’une invitation à la soirée du mariage de Mlle Berthier avec M. Curé qui devint président du Tribunal civil de Provins. (Note de M. Rogeron.) [R. Vallery-Radot]


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