1. Né rue Saint-Placide, nº 9, il a été inscrit le lendemain de sa naissance à la mairie du 10e arrondissement, sous les noms de Pierre-Jacques Roulliot, fils de Marie-Philibert Roulliot, née à Cluny, âgée de trente-six ans ; on le baptisa aussitôt, le 1810-04-099 avril 1810, à l’église Saint-François-Xavier, rue du Bac. Dans l’acte de baptême, le nom est orthographié Rouillot.
Hégésippe n’était qu’un pseudonyme, que le poète prit seulement en publiant ses premiers vers, à Paris, en 1829. Quant8 au nom de Moreau, sous lequel il fut connu dès son enfance, c’était celui de son père naturel, Claude-François Moreau, professeur de quatrième au collège de Provins.
Ce dernier reconnut-il l’enfant, après sa naissance, en épousant Marie Roulliot ? Peut-être. En tout cas, le mariage n’eut pas lieu à Provins, où les parents du jeune Moreau étaient considérés comme mariés, au moment de leur installation dans cette ville.
Claude-François Moreau, père, natif de Poligny, est mort à l’hôtel-Dieu de Provins le 1814-04-1515 mai 1814, à cinquante-huit ans.
Marie Roulliot, femme de cœur, au dire des Provinois qui l’ont connue, d’un caractère élevé et délicat, se trouva réduite à entrer au service de Madame Favier, en qualité de femme de chambre ; elle mourut à son tour à l’hôtel-Dieu, le 1823-02-055 février 1823. L’acte dressé à son décès, à la mairie de Provins,9 l’appelle Jeanne Reuillot ; il constate qu’elle est âgée de quarante-neuf ans, fille de feu Pierre-Antoine et Anne Tranchelot, et veuve de François Moreau.
Ces variantes dans le nom de la mère du poète exigeaient un éclaircissement. S’appelait-elle Marie-Philibert ou Jeanne Roulliot, Rouillot ou Reuillot ? Les archives de l’état civil, à la mairie de Cluny (Saône-et-Loire), lèvent le doute : elle se nommait Jeanne-Marie Rouillot, était née dans cette ville, paroisse Saint-Mayeul, le 1774-03-1212 mars 1774, et fille de Pierre Rouillot et d’Anne Lancelot.
Ainsi l’acte de décès dressé à Provins en 18231823 contient autant d’erreurs ou d’omissions que de noms : Jeanne Reuillot (pour Jeanne-Marie Rouillot), née à Cluny, Haute-Saône (pour Saône-et-Loire), fille de Pierre-Antoine (pour Pierre) et de Anne Tranchelot (pour Lancelot), veuve de François Moreau (pour10 François-Claude). L’indication de l’âge pourtant est exacte : pourrait-on affirmer que la qualification de veuve le fût également ?
Enfin, faisons remarquer tout de suite que l’acte de décès du poète (10e arrondissement de Paris), daté du 1838-12-2020 décembre 1838, porte : « Le jour d’hier, à une heure du matin, est décédé rue Jacob, 45, Hégésippe Moreau, âgé de vingt-huit ans, correcteur, né à Paris, y demeurant rue de Vaugirard, 36. »
2. Il a lui-même imprimé de mémoire quelques-unes de ses poésies ; d’autres récitées à ses amis ont été recueillies et transcrites par eux, sans que l’auteur ait songé à les écrire.
Le 1863-05-1313 mai 1863,
M. Alphonse Fourtier adressait de Lons-le-Saulnier des renseignements à
Armand Lebailly : Moreau, dit-il, composait souvent, sans écrire
un mot, deux ou trois cents vers. Que de fois il m’en a dit de sa voix
harmonieuse en nous promenant sous les grands arbres de nos remparts de
Provins, ou bien sur les quais de Paris, qu’il aimait le soir !
J’habitais alors quai Voltaire, nº 21. En fumant une pipe, que
nous croyions toujours être la dernière du jour, il montait chez moi : il
dictait, j’écrivais ; il emportait le tout, et moi, ne croyant pas à
une disparition si prompte et si fatale du poète, je ne gardais ni ne cherchais
à revoir les vers.
3. Né à Provins le 1785-12-033 décembre 1785, mort le 1839-07-2323 juillet 1839. Une de ses sœurs avait épousé M. Boby de La Chapelle, qui fut préfet de Seine-et-Marne de 1830 à 1832.
4. L. A. Berthaud, l’auteur de l’Homme Rouge, satire hebdomadaire 18331833-183434. — Sainte-Marie Marcotte, fils du receveur général de Troyes, est décédé en 18551855.
5. À dix ans, il était en pension à Provins ; à la distribution des prix du 1820-08-1717 août 1820 il fut plusieurs fois couronné et obtint, entre autres, le prix d’écriture. La première de ses lettres, publiées par Lebailly, est adressée à Madame Émile Guérard, — l’une de ses bienfaitrices, — pour la prier d’assister à cette distribution de prix.
Émile Guérard était le père du fermier de Saint-Martin-Chennetron, dont le nom 21reviendra plus d’une fois dans cette notice ; auteur de quelques recherches sur les origines de Provins, d’une brochure sur 18151815 et d’un mémoire sur l’antiquité de la civilisation et les dernières révolutions de la terre, il est mort le 1822-11-2626 novembre 1822.
À l’âge de douze ans, — en 18221822, — Hégésippe Moreau était placé au petit séminaire de Meaux, d’où il passa à celui d’Avon, près Fontainebleau, installé l’année suivante. On n’obtint pas une bourse pour lui, — comme on l’a dit — sa pension fut payée par Madame Favier, qui avait sa mère pour femme de chambre. Cette dame espérait voir entrer Moreau dans les ordres, mais la vocation n’était pas là. À seize ans, l’élève, ayant achevé sa rhétorique,22 quitta le séminaire pour apprendre le métier de compositeur dans l’imprimerie de M. Théodore Lebeau père, à Provins. À dix-neuf ans, il partait pour Paris et débutait dans les ateliers Didot, qu’il délaissa bientôt pour entrer chez M. J. A. Decourchant, un ancien habitant de Provins, établi depuis quelques années imprimeur dans la capitale.
6. « … Madame Favier n’ignorait pas, en m’envoyant à Paris, que mon peu d’habileté dans mon état m’obligerait plusieurs fois à subir des secours étrangers pour subvenir à mes besoins… » (Lettre de Moreau à M. et23 et Madame Guérard, du 1830-09-033 septembre 1830.) Cette lettre nous apprend, de plus, que Madame Favier faisait alors à Moreau une petite pension de 300 francs.
7. Petite fille de M. Laval, ancien maire de Provins. Elle avait épousé M. Camille-Nicolas Guérard, fermier, puis maire de Saint-Martin-Chennetron, canton de Villiers-Saint-Georges. Né en 17921792, M. C. Guérard a été président de la Société d’agriculture de Provins et est mort en 18591859, après avoir publié des Recherches sur l’Agendicum des Commentaires de César et sur les voies romaines dans l’arrondissement de Provins ; Provins, Lebeau, 18531853, in-8º. Sa veuve est décédée dans cette ville, le 11 octobre 18631863, à soixante-six ans.
8. N’est-il pas singulier de se trouver si souvent en présence d’erreurs dans les documents authentiques auxquels recourent naturellement les biographes, lorsqu’ils tiennent à l’exactitude ! À mesure qu’on découvre un renseignement nouveau touchant l’état civil d’Hégésippe Moreau, il semble qu’on doive aussi rencontrer une énigme nouvelle à résoudre.
Ainsi, le poète n’a pas tiré au sort à vingt ans, — en dépit de la loi. Inscrit au registre des naissances sous le nom de Pierre-Jacques Roulliot, et connu de tous sous celui d’Hégésippe Moreau, il ne fut porté ni à Provins, ni à Paris, sur les listes de conscription, à ce que raconte A. Lebailly. Ce n’est pas tout à fait exact : Moreau a tiré au sort ; mais non dans les26 conditions ordinaires, et seulement en 18331833.
J’ai relevé cette mention sur le registre du tirage des jeunes gens appartenant à la classe de 18321832, pour le canton de Provins (Archives de Seine-et-Marne, I R. 504) :
Nº 84, Moreau (Pierre-Jacques-Égésippe), né le 1807-04-077 avril 1807, à Paris, résidant à Provins,
fils de feus Claude-François et Jeanne Bouillot ; — prote,
taille 1 m. 70 c. Bon pour le service. Omis de la classe de
18271827 ; s’était présenté pour se
faire inscrire sur le tableau, mais ne l’a pas été.
Lors des opérations du conseil de 27révision, le contingent fut complété avec le numéro 53 ; le nom de Moreau ne figure donc plus sur la liste définitive des jeunes soldats close le 1833-09-1111 septembre 1833.
Maintenant, que signifie cette date de naissance, 1807-04-077 avril 1807, et la mention qu’il eût dû faire partie de la classe 18271827 ? En présence de l’acte de naissance et de l’acte de baptême de 18101810, c’est évidemment une erreur de scribe, aussi bien que le nom de sa mère, écrit ici Bouillot pour Rouillot.
Les registres de l’état civil de Paris ayant été détruits en 18711871, l’acte de naissance28 rapporté par Armand Lebailly ne peut plus être contrôlé ; mais je me suis procuré le second, qu’il est bon de reproduire textuellement :
Paroisse Saint-François-Xavier. —
Extrait du registre des actes de baptême.
L’an 1810-04-09mil huit cent dix,
le neuf avril, a été baptisé Pierre-Jacques, né le 1810-04-08huit avril même année, fils de
Marie-Philibert Rouillot, demeurant 9, rue Saint-Placide. Le parrain a été
Pierre-Jacques Gouelle, joaillier, demeurant rue de Harlay,
nº 4 ; la marraine a été Claire Tilloi, femme Schmitt, demeurant
9, rue29 Saint-Placide, lesquels ont signé avec
nous.
N’a-t-on pas encore l’acte de décès de Moreau, dressé au 10e arrondissement de Paris, le 1838-12-2020 décembre 1838, qui lui donne vingt-huit ans ? Enfin, n’a-t-il pas lui-même daté de 18281828 la pièce qui commence le Myosotis : « J’ai dix-huit ans » ?
9. Né à Versailles en 17781778, il avait été secrétaire général de l’intendance de l’armée en 18121812 et 18131813. Il devint préfet de l’Aube en quittant la préfecture de Seine-et-Marne.
10. Christophe Opoix, chimiste, historien de Provins, littérateur, né dans cette ville le 1745-02-2828 février 1745, mort le 1840-08-1212 août 1840, entouré de l’estime publique.
Une rue de Provins porte son nom ; une autre a reçu depuis celui d’Hégésippe Moreau.
11. Lettre du 1833-10-1515 octobre 1833
12. M. Louis Foureau, né à Jouy-le-Châtel en 17611761, mort président honoraire du tribunal de Provins en 1841-09septembre 1841, est encore51 cité dans la contrée comme un magistrat plein de sens, de fermeté et de droiture.
13. Moreau avait été, en effet, provoqué en duel à Provins, par un clerc d’avoué, à propos de quelques vers imprudents ; mais 58l’imprimeur n’était pour rien dans la querelle.
14. Les cinq années qui s’écoulèrent entre le retour du poète à Paris, en 1833-11novembre 1833, et la fin de sa carrière, furent une série non59 interrompue d’épreuves, de maladies et de misère. Isolé dans la capitale, si sa plume lui procurait de temps à autre quelques ressources, elle étaient bien insuffisantes. Au Charivari, par exemple, on lui payait 10 francs chacune de ses poésies ou de ses chansons. Il tenta sans succès de s’attacher à un journal, d’écrire pour le théâtre, de concourir pour le prix de poésie de l’Académie française ; en même temps il essayait de divers emplois, sans pouvoir se fixer. En 18311831, il avait déjà été maître d’étude pendant six mois dans la pension Labé ; en 18351835, il se fit répétiteur à l’institution Chapuis, faubourg Saint-Martin, et y resta jusqu’à la 1836-12-31fin de décembre 1836.
Changeant souvent de demeure, quelquefois même il n’en n’avait
pas, et était recueilli par un ami. En 18371837, son camarace Loison lui offrit de partager
sa chambre : Me voilà à l’abri, écrit-il alors, Loison
n’est pas 60seulement mon ami, il est mon
intendant et mon trésorier !
En 18381838, Moreau venait d’être admis en qualité de correcteur à l’imprimerie Béthune et Plon, quand une phtisie pulmonaire l’obligea d’entrer à la Charité, où il devait s’éteindre six semaines plus tard.