Comme Barthélemy, rapsode marseillais,
Dont la voix m’a troublé lorsque je sommeillais,
Dans la brise soufflant de la Grèce ou de Rome,
Je n’ai point respiré de poétique arome,
Et, né loin du Midi, je n’eus pas même, enfant,
À défaut de soleil, un foyer réchauffant.
Un ogre, ayant flairé la chair qui vient de naître,
M’emporta vagissant, dans sa robe de prêtre,
Et je grandis, captif, parmi ces écoliers,
Noirs frelons que Montrouge essaime par milliers,
Stupides
icoglans,
que chaque diocèse
Nourrit pour les pachas de l’Église française.
Je suais à traîner les plis du noir manteau ;
Le camail me brûlait comme un
san-benito ;
Regrettant mon enfance et ma libre misère,
J’égrenais dans l’ennui mes jours, comme un rosaire.
Oh ! quand les peupliers, long rideau du dortoir,
Par la fenêtre ouverte à la brise du soir,
Comme un store mouvant rafraîchissaient ma couche,
Je croyais m’éveiller au souffle d’une bouche ;
Devant le crucifix et le saint bénitier,
Profane ! j’enviais le sort d’Alain Chartier ;
Et, quand le mois des fleurs, pour la Reine des Vierges,
Faisait neiger les lis et rayonner les cierges,
Priant avec amour l’idole au doux souris,
Je convoitais un ciel parfumé de houris.
Dans la forêt de pins, grand orgue qui soupire,
Parfois comme un oracle interrogeant Shakespeare,
Je l’ouvrais au hasard, et quand mon œil tombait
Sur la prédiction d’Iphictone à Macbeth,
Berçant de rêves d’or ma jeunesse orpheline,
Il me semblait ouïr une voix sibylline
Qui murmurait aussi :
L’avenir est à toi ;
La Poésie est reine ; enfant, tu seras roi !